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L’Economiste – Des patrons racontent leur premier stage en entreprise

C’est la période des stages. Nombreuses sont les sociétés qui accueillent en ce moment des stagiaires découvrant pour la première fois le monde professionnel. Mal briefés et mal encadrés, les jeunes sont souvent déçus par leur premier passage en entreprise. Selon le baromètre 2017 de stagiaires.ma, plus de la moitié (53%) ne sont pas satisfaits de leur stage. Pas certains, attitude réservée, visage fermé… beaucoup ont du mal à s’intégrer, surtout quand l’environnement est peu accueillant.

Des patrons ont accepté de nous raconter leur première expérience en tant que stagiaires, et de partager les leçons qu’ils en ont tirées. Ils ont, par ailleurs, livré de précieux conseils: «Savoir se rendre intéressant», «Oser demander des responsabilités», «Se fondre dans le milieu ouvrier», «Faire preuve d’ouverture et d’esprit d’initiative»… des paroles qui valent leur pesant d’or.

■ Banque, mon amour 

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Brahim Benjelloun Touimi, administrateur directeur général exécutif de BMCE Bank of Africa (Ph. Jarfi)

Les détails de son premier stage sont gravés dans sa mémoire. Et pour cause. Sa première expérience en entreprise, Brahim Benjelloun Touimi l’a prise très au sérieux. A l’âge de 21 ans, à l’été 1981, il mesurait parfaitement la chance qu’il avait de pouvoir effectuer son stage au sein de l’une des plus prestigieuses banques d’affaires de l’époque, Worms. Basée à Paris, en face des Galeries Lafayette, elle a depuis été absorbée par un autre groupe.
Après sa maîtrise en économie, option économie internationale, de l’université Paris 1 Panthéon-Sorbonne, Benjelloun Touimi, jeune homme ambitieux, rêve d’être admis au prestigieux DEA «Monnaie, Banque, Finance». Pour maximiser ses chances, il sacrifie ses vacances pour passer près de 4 mois de stage. A la fois curieux et passionné, il s’intéresse à toutes les opérations menées par cette banque orientée vers le commerce extérieur. «C’est dans ce cadre que j’ai pu visiter la Bourse de Paris et assister aux dernières cotations à la corbeille», se rappelle le numéro 2 de BMCE Bank of Africa. Il lit tous les documents qui lui sont présentés, prend même l’initiative d’en faire des synthèses, et en profite pour poser des questions «renseignées». Chez lui, rien ne s’improvise. Avec son maître de stage, il développe des liens solides et garde le contact, longtemps après.
De son passage à Worms, il en a tiré des leçons. Son premier conseil, soigner son apparence afin de ressembler aux cadres du milieu que l’on rejoint. «Il ne faut surtout pas être décalé», insiste-t-il. Ensuite, il est important de… «grenouiller». En d’autres termes, accepter tout ce que l’on vous offre et profiter de chaque nouvelle expérience. Que vous ayez l’intention de faire votre carrière dans le domaine que vous découvrez ou pas, il est fondamental de vous rendre «intéressant», de vous comporter comme si vous alliez être engagé… Faire à la fois preuve d’enthousiasme, de passion, de curiosité et d’empathie. Rester dans votre bulle ne vous servira à rien. Les questions techniques, elles, doivent évidemment être «intelligentes et documentées». Pour vos discussions, ne vous limitez jamais à vos collègues stagiaires, mais essayez de passer un maximum de temps avec les employés.
«Il est aussi essentiel de témoigner de l’intérêt pour les personnes qui vous accueillent. Les regarder dans les yeux, les remercier, leur demander conseil, leur poser des questions sur leurs choix et motivations… leur envoyer à la fin du stage des emails de remerciement. C’est la moindre des politesses», pense-t-il. Et puis, faire bonne impression peut toujours servir pour des recommandations. Vos contacts peuvent aussi devenir vos futurs collègues, employeurs, clients ou partenaires.
Après son stage à Worms, Brahim Benjelloun Touimi réussit à décrocher la formation de ses rêves. Il enchaîne ensuite avec un doctorat dans la même université, qu’il soutient en octobre 1985. Cinq ans plus tard, il rejoint la BMCE.

                                                               

■ Premiers pas encourageants dans une clinique

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Laila Mamou, présidente du directoire de Wafasalaf (Ph. Privée)

Laila Mamou est une personne qui fonce. Des stages, elle en a effectué plusieurs, y compris ceux où l’on passe son temps à photocopier des documents. Pas de complexe et, surtout, beaucoup de curiosité. Elle profite de chaque passage pour «décoder le monde de l’entreprise», et donne du sens à tout ce qu’elle entreprend.
Sa première expérience professionnelle était en fait un job d’été en France, à Aix en Provence.
Etudiante en deuxième année à l’Institut universitaire de technologie (IUT), elle est engagée dans une clinique d’angiologie. «J’ai été affectée au bureau des entrées. En plus de l’accueil des malades, la clinique m’a tout de suite confié des responsabilités comptables et administratives. A mes yeux, c’était très valorisant. Je devais y rester quatre semaines, mais j’ai fini par y passer 3 mois», confie Mamou.
Son premier stage étudiant se déroule au Maroc, à Bank Al-Maghrib. Les premières semaines sont plutôt creuses et ennuyeuses. Mais c’est sans compter sur sa détermination. Elle prend son courage à deux mains et part demander une mission «plus qualitative et plus responsabilisante» afin de mieux profiter de ses trois mois de stage. «Ce qui est intéressant, c’est qu’on me l’a confiée!», relève la patronne de Wafasalaf. «Quand on est stagiaire, il est important de se prendre en main, d’être acteur de son évolution», conseille Mamou. Oui, il est difficile pour un jeune stagiaire de s’imposer dans un environnement déjà bien organisé, et où il est presque perçu comme un fardeau. «Mais quand vous montrez que vous êtes curieux et que vous avez envie de créer de la valeur, vous pouvez inverser les choses et pousser les autres à vous accompagner. Il faut juste oser, au lieu de presque culpabiliser d’être là. Le stage est une excellente opportunité d’apprentissage qu’il faut bien saisir», conseille-t-elle.
C’est la même approche qu’elle impose aux stagiaires reçus à Wafasalaf.  Dès leur arrivée, les jeunes se voient confier un portefeuille à gérer, avec un processus opérationnel et des objectifs à atteindre.

                                                               

■ Au fond d’une mine de phosphate

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Saïd Ahmidouch, DG de la CNSS (Ph. L’Economiste)

C’est une expérience humaine intense et inspirante que Saïd Ahmidouch a vécue grâce à son premier stage étudiant. Comme le veut la tradition de l’Ecole des mines de Paris, où il était étudiant en 1re année en 1981, le premier contact avec le milieu professionnel doit se passer sous forme d’immersion dans le monde ouvrier. Sans hésiter, Ahmidouch choisit d’effectuer son stage dans une mine, au Maroc.
Lui-même fils de mineur, il souhaitait expérimenter le métier que son père a exercé tout au long de sa carrière à Nador, pour le compte d’une société minière. L’entreprise Seferif, avec sa mine de fer (fermée dans les années 90), était le principal employeur de sa région.
Saïd Ahmidouch décroche ainsi un stage d’un mois à l’OCP, dans l’exploitation de Khouribga. Mais à son arrivée, les choses ne se passent pas comme prévu. A l’OCP, la tradition voulait que les jeunes stagiaires soient chapeautés par des cadres et ingénieurs. Le jeune étudiant ne se laisse pas faire. Il se rend immédiatement au siège à Casablanca, à la rencontre de la personne en contact avec son école, un certain Mohamed Fettah, alors directeur, qui deviendra plus tard DG de l’OCP et ministre de l’Energie et des Mines. Ce dernier fait le nécessaire et l’autorise à être affecté à la mine. C’est là que son aventure commence.  Muni d’un casque et d’un marteau piqueur, Ahmidouch est accueilli au sein d’une équipe de quelque huit ouvriers chargés de l’abattage du phosphate dans les galeries. Chaque jour, tous prennent le transport du groupe qui les emmène à l’exploitation. Enfouis sous terre, ils travaillent huit heures par jour. Tantôt la journée, tantôt la nuit. Ayant grandi dans une famille de mineurs, Ahmidouch ne trouve aucun mal à s’intégrer à l’équipe. «Ils m’ont accueilli comme un fils», se rappelle-t-il. «J’ai pu voir le monde ouvrier de l’intérieur, comment les ouvriers travaillent, les difficultés qu’ils rencontrent, leurs rapports avec la hiérarchie et les ingénieurs… et, surtout, leur solidarité extraordinaire», poursuit-il. Confrontés à un risque permanent d’affaissement du sol, ils sont unis face au danger. Chaque craquement du boisage, destiné à soutenir les murs dans les galeries, est considéré comme une alerte générale. Au moindre bruit, tout le monde quitte les lieux. «Jeune stagiaire que j’étais, j’ignorais ces détails. Un jour, nous avons entendu un bruit, et d’un seul coup, tout le monde est parti. Le chef de l’équipe m’a alors porté. Impossible de laisser quelqu’un derrière», se remémore le patron de la CNSS. Cette solidarité crée des liens indéfectibles. Même à l’extérieur de la galerie, les mineurs vivent presque comme une grande famille, et y intègrent volontiers le jeune Saïd Ahmidouch.
«Pour son premier passage en entreprise, il est préférable d’opter pour un stage ouvrier, quel qu’il soit, distribution, construction… Cela vous permettra de comprendre et de mieux appréhender les gens avec lesquels vous serez amenés à travailler demain», conseille-t-il. «Les autres stages peuvent être techniques, mais le premier devrait être une opportunité d’approfondir l’aspect humain. Les leçons que vous en tirerez vous accompagnent toute votre carrière», ajoute-t-il.

                                                               

■ Entre les clous et les marteaux

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Thami Ghorfi, président de l’Esca Business School (Ph. L’Economiste)

C’est dans une grande enseigne de bricolage à Dijon (Leroy Merlin) que Thami Ghorfi passe son premier stage. Elève en classes prépas dans la même ville, il est affecté à l’équipe responsable de l’organisation des stocks en réserve. «J’y suis allé avec beaucoup de curiosité et sans a priori. J’étais vraiment un ouvrier de base. D’autres étaient plus qualifiés et étaient habilités à conduire le matériel de levage. Contrairement à ce que l’on pourrait penser, j’ai beaucoup appris», se rappelle le président de l’Esca Business School. Son premier apprentissage est d’abord «humain». «J’ai appris à tenir un langage simple afin d’interagir avec les personnes avec lesquelles je travaillais. Je suis sorti de mes livres, de mes travaux d’étudiant et de mes échanges avec mes enseignants pour être dans la vie réelle», raconte-t-il.
Pendant un mois, le jeune Thami Ghorfi apprend à travailler en équipe. Très rapidement, il se rend compte que chacun doit apporter sa contribution. Recompter les unités, calculer les superficies pour réalimenter les rayons… plusieurs tâches lui sont confiées. Il doit à la fois faire fonctionner ses neurones et ses bras.
«Dans un stage, il faut y aller avec ses sens bien ouverts, et avec beaucoup d’appétit. Se dire que de toutes les façons je n’ai rien à perdre, mais qu’à 100% je vais gagner», souligne Ghorfi. Baisser le seuil de ses attentes, se montrer disponible et accepter d’avancer marche par marche peut, également, s’avérer bénéfique.
Sa première expérience en entreprise, Thami Ghorfi en garde un souvenir indélébile. «C’était pour moi un apprentissage exceptionnel», livre-t-il. A la fin de ses prépas, il intègre de grandes écoles de commerce françaises, notamment l’Essec et l’ISG Paris.

                                                               

■ Un passage bien négocié chez Alstom

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Abderrafie Zouiten, DG de l’Office national marocain du tourisme (ONMT) (Ph. Jarfi)

Du concret. Pour bien profiter de son stage, mieux vaut négocier une mission bien définie, avec «un contenu fort». C’est le principal conseil que le patron de l’ONMT adresse aux jeunes stagiaires. «Il est important de travailler sur un projet qui soit utilisable par l’entreprise. Ce n’est qu’ainsi que l’on peut bénéficier de l’ouverture, de la disponibilité et de l’accompagnement nécessaire une fois sur place», insiste Abderrafie Zouiten. Le passage en entreprise doit donc être gagnant-gagnant.
Pour sa part, son premier stage étudiant, effectué en 1975 à Lyon, était sous forme d’un projet marketing qu’il a développé pendant quatre mois au sein de la direction informatique de CGE Alsthom (devenue Alstom), avec des objectifs précis, un planning et un deadline. Zouiten était alors étudiant en 2e année marketing à l’université Jean Moulin de Lyon. Il bénéficiait de l’encadrement d’un maître de stage, ainsi que d’un enseignant. Des briefings hebdomadaires étaient organisés, afin de faire le point sur l’avancement de ses travaux.
Sa première impression, «le décalage» qui existe entre le monde universitaire et celui de l’entreprise. «La première difficulté est celle de l’intégration au sein de l’équipe et de l’appropriation de la culture d’entreprise», pense le patron de l’ONMT. Et c’est la raison pour laquelle, souvent, le premier apprentissage est d’ordre relationnel et humain. Il est donc impératif d’oser aller vers les autres. Lui, son moment préféré était celui du déjeuner à la cantine, et des pauses à la cafétéria, où il pouvait échanger avec les salariés. «A l’époque, il y avait deux cantines, une pour les cadres, et une deuxième pour le personnel ouvrier. Evidemment, la meilleure ambiance était toujours du côté des ouvriers», se rappelle Zouiten.  «Il faut aller au contact des autres, faire preuve d’initiative, être à l’écoute et, puis, élargir les discussions à plusieurs sujets. Cela peut s’avérer très enrichissant. Ce n’est jamais bon de s’enfermer», poursuit-il. Pour résumer, deux éléments sont décisifs à ses yeux: l’attitude du stagiaire et le contenu proposé.

Source : http://www.leconomiste.com/article/1015721-des-patrons-racontent-leur-premier-stage-en-entreprise