Conjoncture-Plaidoirie pour faire du stage un moyen de résorption du chômage

Dans un contexte mondial marqué par boom démographique, une crise économique généralisée et une constante augmentation du nombre de demandeurs d’emploi, le chômage constitue l’un des grands défis du siècle. Le stage, haut cadre d’apprentissage pratique et professionnel, pourrait être l’une des solutions structurelles à ce problème. Mais, pas de n’importe quelle manière ! 

Au Maroc, le Haut-Commissariat au Plan (HCP) chiffre le nombre de chômeurs à 1,2 million de personnes au premier trimestre 2016, tandis que le taux de chômage a augmenté de 0,1 point passant de 9,9 % à 10 % de la population active. Au 3e trimestre de la même année, toujours selon la même source, le taux de chômage s’est établi à 14,7 % parmi les détenteurs d’un diplôme de niveau moyen et 22,3 % parmi les détenteurs d’un diplôme de niveau supérieur, avec en particulier un taux de 27,3 % au niveau
des lauréats des facultés.

La situation inquiétante des diplômés chômeurs au Maroc

Ces chiffres, au-delà de leur aspect quantitatif, révèlent une situation inquiétante sur le phénomène des « diplômés chômeurs » au Maroc, lequel constitue un indicateur assez crédible de l’écart entre la « production de profils » par l’école et les capacités et besoins du marché du travail. En effet, selon les chiffres du Ministère de l’Enseignement Supérieur, de la Recherche Scientifique et de la Formation des Cadres, le nombred’étudiants a atteint 665 991 durant l’année universitaire 2013-2014, soit 602 885 étudiants de l’enseignement supérieur public, 35 509 étudiants pour l’enseignement privé et 27 597 étudiants pour l’enseignement supérieur ne relevant pas des universités.

Cette hausse annuelle des effectifs des étudiants a comme corolaire l’intensification de la pression sur le marché de l’emploi des diplômés du supérieur, exigeant la mise en œuvre d’initiatives concrètes et appropriées en termes d’adéquation formation-emploi, mais aussi le développement d’initiatives innovantes pour résorber le chômage des jeunes. Selon une étude réalisée fin 2016 par Stagiaires.ma auprès d’un échantillon représentatif de 48 000 étudiants ayant effectué au moins un stage et de 1000 recruteurs, 93 % des entreprises manifestent un besoin en stagiaires tandis que 78 % d’entre elles y ont eu recours, soit une hausse sensible par rapport aux années précédentes. Pour le recrutement des stagiaires, les moyens les plus utilisés sont les réseaux sociaux et les sites spé-cialisés, suivis de la CVthèque interne. Même tendance côté demandeurs de stage, sauf qu’ici les sites spécialisés devancent légèrement les réseaux sociaux.

Stage et employabilité : un lien étroit

Il existe un lien étroit entre stage et monde de l’emploi. Le nombre de stages effectués et la durée d’expériences cumulées en stage augmentent les chances du stagiaire de s’insérer dans le monde professionnel. Les stagiaires qui ont effectué 3 stages ou plus, pour une durée totale de 12 à 18 mois, ont, en effet, largement plus de chance d’être recrutés après leur formation. Par ailleurs, l’étude montre que les étudiants qui ont occupé une seule fonction dans leurs différents stages et qui ont pu ainsi se spécialiser dans un domaine particulier sont privilégiés par les recruteurs (78 %). S’il est vrai que la problématique de l’emploi est à la fois politique et économique, le stage peut toutefois faire partie des solutions structurelles à mettre en place sur le court et moyen terme pour lutter contre le chômage.

Se pose, dans le même temps, le problème des « éternels stagiaires », qui passent des années en période de stage après l’obtention de leur diplôme. Une situation qui ne favorise pas toujours leur insertion professionnelle. En effet, au bout d’une certaine durée d’expérience cumulée en stage (plus de 18 mois), les opportunités d’emploi dustagiaire ont tendance à diminuer : c’est lecas de 48 % des stagiaires interrogés, contre 86 % dont la durée de stage cumulée se situe entre 12 et 18 mois.

Fédérer l’ensemble des acteurs

Pour améliorer d’adéquation entre les profils des demandeurs d’emploi et ceux recherchés par les recruteurs, il s’agit de dynamiser le contenu de la formation, dans un format intelligent et équilibré, et de mieux orienter l’offre, de concert avec les universitaires, les professionnels, les écoles de formation et les entreprises. Et ce, en vue de répondre aux besoins socio-économiques du pays, notamment ceux des grands chantiers initiés (Plan Maroc Vert, Plan Energétique, Plan Maroc Numéric…).
Dans un autre registre, il est nécessaire de mettre en place une règlementation intelligente du marché des stages, adaptée au
contexte marocain, en tenant compte des intérêts des différentes parties prenantes. Concrètement, il est important de parachever les textes règlementaires indispensables à la mise à niveau et au développement du secteur de l’enseignement supérieur et de la formation, davantage garantir par des textes et un suivi les droits des stagiaires (rémunération, congés, avantages…).

Enfin, au-delà de la nécessité d’orienter  et de règlementer, faut-il souligner que les défis du marché du stage au Maroc ne
sauraient être relevés que par les acteurs directement concernés, à savoir l’étudiant, l’école et le recruteur. L’étudiant doit considérer la période de  stage comme une chance d’intégrer le monde actif, tandis que l’entreprise doit encadrer, suivre, orienter… bref, compléter la formation du stagiaire. Les écoles, pour leur part, constituent le lien entre ces deux parties et doivent veiller au bon fonctionnement du stage de leurs étudiants via des moyens appropriés et efficaces.

Source : http://www.cfcim.org/wp-content/uploads/2017/07/994-juillet-aout-2017-Luxe.pdf